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99 Octane

Issu de la très fructueuse Versailles Connection, le duo français s'est fait remarqué, entre 1995 et 1997, par une poignée d'EP (Modulor Mix, Casanova 70, Premiers Symptômes) annonciatrice d'un album-révélation, Moon Safari. Grâce à un mélange original d'easy-listening electronique et de quelques accords recyclés (mais que Jean-Benoit et Nicolas, musiciens talentueux, jouent eux-mêmes), cet album les propulsera directement au sommet, les entrainera vers les tourbillons du bizness musical, et contribuera, en suivant la route ouverte par Daft Punk et Superdiscount (Etienne de Crécy), à la création de l'appellation French Sound chère à nos amis anglo-saxons.

Qui l'eut cru? 1998, sera leur année. Quelques singles bien sentis tirés de leur premier album Moon Safari, et les voici partis pour une tournée estivale très remarquée aux Etats-Unis, puis dans le monde entier, accompagnés par les musiciens de Beck. Et c'est ensuite une avalanche de louanges, de nominations, voire de décorations qui s'abat sur eux... Et depuis? Ils continuent à occupeer le terrain en attendant de livrer leur deuxième album: une réédition de Premiers Symptômes accompagnée de 2 raretés, un DVD avec l'aide du "designer" Mike Mills et la bande originale du film The Virgin Suicides .

C'était à l'époque des premières compilations Source Lab, manifestes musicaux d'ouverture d'esprit, régals de groove abstrait et actes de naissance de ce qu'on allait appeler la french touch (Zdar, Etienne de Crécy, Eric Rug...). Il émanait alors des premières productions de Air un flou artistique envoûtant, délicieusement suranné, qui fut ensuite un peu trop formalisé sur Moon Safari au grand dam de certains. Peut-être ceux là seront-ils satisfaits de retrouver le binôme versaillais évoluant à nouveau dans une sphère instrumentale. C'est ce que propose à une exception prêt (Playground Love), cette bande originale du premier film de Sophia Coppola spécialement composée par Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel, au-delà de la volonté initiale de la réalisatrice de faire appel à des morceaux existants.

Depuis le pied de nez du clip de All I Need qui inversait les rôles en mettant la musique au service de l'image, on se doutait bien que les sonorités aériennes convoleraient pour le meilleur avec le cinéma. Cette musique inspirée par le film en est la preuve. On pourrait penser que tant qu'on a pas vu celui-ci, il manque une pièce au puzzle pour juger des qualités évocatrices de cette bande originale. Il n'en est rien, elle se suffit à elle même, le reste ne sera qu'un bonus (sûrement appréciable). On en vient même à déplorer une contrainte inhérente à ce genre d'exercice: la brièveté de certains morceaux, pas plus de trois minutes en général. Comme ce Clouds Up qui passé le titre chanté faisant office d'ouverture (très proche de la pop classieuse et maniérée de Moon Safari d'ailleurs), plante rapidement le décor: aux traditionnelles ambiances bucoliques du duo, viennent s'ajouter des sons plus angoissants et la mélancolie qui transpire ici ou là est contrariée par des rythmiques étrangement engourdies.

Indéniablement et comme annoncé, cette musique est à rapprocher de quelques faits d'armes de Pink Floyd circa 72, voire même un peu avant (les choeurs de The Word "Hurricane" évoquent ceux de Atom Heart Mother), mais y ajoute aussi parfois un côté baroque qui n'est pas sans rappeler les mélanges audacieux opérés par Ennio Morricone (le magnifique Suicide Underground ou Empty House). On a vu pire comme référence pour parler d'une bande originale. Pour peu que ces quelques vignettes musicales témoignent d'une évolution du groupe, on a maintenant hâte de jeter une oreille sur leur deuxième album qui fera son apparition à la rentrée 2000.